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Témoignage de Dolores
Laliberté
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Ce texte a été préparé
à la suite de rencontres avec Bronwyn Chester, le 20
avril 2006 et avec Aline Grenon, les 22 mars et 9 avril 2008.
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Souvenirs
de Dolores Laliberté |
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Dolores et sa famille (ses parents et cinq
frères) ont habité au 3981 de la rue Drolet,
de 1938 à 1953. La crise économique des années
30 aurait incité ses parents à déménager
dans le quartier, où les loyers étaient moins
chers. Dolores avait quatre ans lors du déménagement.
Elle a donc passé toute sa jeunesse dans le quartier.
Le quartier
Bien que le quartier était très hétéroclite,
la majorité des familles faisaient partie du même
milieu économique celui des salariés
modestes. Seules trois familles se distinguaient des autres
les Legault (propriétaires dune boucherie
et dune épicerie au coin sud-est des rues Drolet
et Duluth), les Lafortune (propriétaires du restaurant
René au coin nord-est des rues Drolet et Duluth) et
une troisième famille, très démunie.
Plusieurs des logements étaient construits selon le
même modèle salon double, long corridor,
cuisine, chambres à coucher, une toilette dans une
petite pièce et un évier dans la cuisine. Les
familles nombreuses étaient entassées dans ces
logements.
En règle générale, il ny avait
pas de baignoires ou de salles de bain dans ces logements
et les habitants utilisaient le Bain Schubert sur le boulevard
St-Laurent. Il y avait aussi un bain « turc »
sur la rue Colonial, mais puisque celui-ci était privé
et quil fallait payer pour y accéder, il était
peu utilisé. Par contre, le père de Dolores,
qui était bricoleur, avait réussi à installer
une baignoire et un lavabo dans lespace sous lescalier
qui menait au logement du haut ainsi quun lavabo dans
une petite chambre à larrière de la cuisine.
Tout un luxe pour lépoque!
Peu de familles avaient des autos et les services (glacier,
boulanger, laitier, guenilleux, aiguiseur de couteau
)
étaient offerts à domicile, grâce à
des voitures tirées par des chevaux. Durant lété,
une telle voiture offrait des « hot-dogs » et
de délicieuses patates frites!
Bien que les résidents fassent partie du même
milieu économique, ils étaient néanmoins
très différents les uns des autres. Dolores
se souvient de familles provenant de la Pologne, de lUkraine,
de lAllemagne et de lIrlande. Il y avait des familles
juives, catholiques, protestantes et orthodoxes, des francophones,
des anglophones et des allophones. Malgré ces différences
culturelles, religieuses et linguistiques, elle ne se souvient
pas de tensions entre les groupes et ses amis de jeux parlaient
le français et langlais entre eux.
Par contre, elle se souvient que plusieurs personnes avaient
des habitudes très différentes de celles de
sa famille. En outre, Dolores était toujours étonnée
de constater que la mère dOlga, une de ses amies,
marchait toujours pieds nus chez elle, même lhiver!
Aussi, plusieurs familles achetaient des poules le mardi ou
le mercredi, lesquelles se promenaient librement dans la cuisine.
Une fois que lon constatait que la poule était
saine, celle-ci était abattue et elle devenait le repas
principal de la fin de semaine!
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Souvenirs de
la rue Drolet |
Puisque Dolores habitait près de
la rue
Duluth, elle fréquentait plutôt cette
rue et la partie nord de la rue
Drolet. Une « ligne invisible » faisait
en sorte quelle allait rarement au sud des deux dépanneurs
qui étaient presque face-à-face sur la rue Drolet
(au 3911 et au 3918/19).
Dolores vivait en face de la maison de M. Daveault, laquelle
était située là où se trouve aujourdhui
le Parc Jean-Jacques-Olier. M. Daveault était un livreur
de glace qui souffrait dépilepsie. Lorsquil
sentait venir une crise, il se couchait sous son cheval qui
attendait, tout en protégeant son maître, que
la crise passe. Lécurie de ce cheval exceptionnel
était située derrière la maison de M.
Daveault et lentrée de lécurie donnait
sur la ruelle entre les rues Drolet et Henri-Julien. Le cheval
partageait ce logement avec un coloc, un cheval qui rendait
des services à M. Stuger (au 3987), propriétaire
dune calèche.
Au sud de la maison de Dolores vivait un rabbin (au 3977)
et Dolores se rendait chez lui le vendredi soir afin de fermer
les lumières. Le samedi matin, elle mettait en marche
la cuisinière à gaz, puisquil était
interdit au rabbin et à sa famille de travailler le
jour du Sabbat. En échange, on lui laissait quelques
sous sur le coin de la table et Dolores en profitait pour
acheter des bonbons dans le petit magasin en face de chez
elle.
Dolores recevait aussi un peu dargent lorsquelle
répondait au téléphone de la dame qui
habitait de lautre côté de la rue, au 3994.
Cette dame, aux murs légères, était
souvent trop occupée pour répondre aux appels
de ses clients. Un jour que Dolores se trouvait dans la maison,
la dame est sortie de sa chambre à coucher, nue sous
son peignoir. Il y avait un homme dans la chambre. Dolores
en a parlé à sa mère, qui lui a interdit
de retourner chez cette dame. Quelques années plus
tard, Dolores a appris que cette dame était aussi une
« faiseuse danges », cest-à-dire
quelle pratiquait des avortements.
« Tout le monde se connaissait, surtout les familles
avec enfants dâge scolaire. Les allées
et venues des gens se racontaient entre voisins
»
a-t-elle dit.
Lorsquil faisait froid, un des frères de Dolores
se tenait « chez le Chinois », cest-à-dire,
la buanderie chinoise au coin nord-ouest des rues Drolet et
Roy, parce que cétait lendroit le plus
chaud du quartier.
Roz
Steiman, une amie de Dolores qui habitait avec sa famille
au deuxième étage de la maison, est devenue
une artiste et elle a fait plusieurs tableaux illustrant des
maisons du quartier, y inclus celle au 3981, intitulé
« Dolores Having Fun » (voir ci-joint).
En
plus de faire lobjet dun tableau, la maison où
habitait Dolores apparaît dans plusieurs photos prises
durant les années 30 et 40 (voir photos ci-jointes).
Une des photos est frappante, soit celle de la mère
de Dolores devant la maison. Fait exceptionnel pour les maisons
de la rue Drolet, la maison est cachée sous la verdure
on ne voit que la fenêtre, qui a lallure
dun balcon. La mère, vêtue de pantalon
et munie dune guitare, samuse à jouer le
rôle de Roméo alors quune amie, Jeannette,
assise à la fenêtre, joue le rôle de Juliette.
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Souvenirs de
la rue Duluth |
La rue
Duluth était à la fois commerciale et
résidentielle. Du côté nord, entre les
rues
Drolet et Saint-Denis,
se trouvaient le restaurant René (aujourdhui
Le Vieux Duluth), une buanderie chinoise, un atelier de ferblantier
et, au coin des rues Duluth et Saint-Denis, une salle de billard
avec, au deuxième étage, une des nombreuses
« maisons de chambres » du quartier.
Lépicerie et la boucherie de la famille Legault
étaient situées du côté sud, au
coin de la rue Duluth. Tout près de cette rue, une
manufacture de vêtements sétendait de la
rue Drolet à la rue St-Denis, avec une passerelle au-dessus
la ruelle. La mère de Dolores y a travaillé,
mais elle nest pas restée longtemps, car les
employés étaient mal rémunérés.
Cette manufacture a été transformée en
condominium et la partie sur la rue Drolet porte les numéros
4003/05/07.
Du côté nord, entre les rues Drolet et Henri-Julien,
se trouvait le restaurant/dépanneur Marcel et un cordonnier.
La famille Laliberté faisait son épicerie chez
Baril (coin nord-ouest des rues Duluth et Berri). Félix
Lambert, loncle de Dolores, avait un garage du côté
nord de la rue Duluth, à lest de la rue Rivard.
Ce garage existe encore bien quil nest plus utilisé
à des fins commerciales. Il y avait aussi une quincaillerie
du côté nord, au coin des rues Hôtel-de-Ville
et Duluth.
Dolores se souvient davoir souvent accompagné
son amie, Rozelyn Steiman Spivak à la synagogue de
la rue Duluth, lors de mariages ou de fêtes juives,
où les deux samusaient avec les convives et profitaient
de la bonne bouffe.
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Les écoles
du quartier |
Dolores a commencé ses études
primaires à lÉcole St-Louis-de-France
au coin des rues Roy et Hôtel-de-Ville (lédifice
est maintenant une coopérative de logements), alors
que ses frères ont fait leurs études à
lÉcole Jean-Jacques-Olier, alors réservée
aux garçons. Elle se souvient aussi que les enfants
de familles juives et immigrantes faisaient leurs études
à lÉcole Aberdeen, un très bel
édifice en pierre (voir photo) qui
a été démoli afin de faire place à
lInstitut du tourisme et de lhôtellerie
du Québec.
Par la suite, Dolores a étudié à lÉcole
Cherrier et elle a terminé ses études secondaires
en anglais à lÉcole Ste-Eulalie (rue Drolet,
au nord de la rue Rachel, en face dun petit parc). À
lépoque, la Commission scolaire exigeait des
frais de 5 $ par mois après la 9e année. La
mère de Dolores était davis que sa fille
était alors en mesure de travailler à temps
plein, mais Dolores aimait lécole et désirait
continuer. Elle sest donc retrouvée dans une
école anglaise où elle a recommencé sa
9e année, car elle navait jamais appris à
écrire dans la langue de Shakespeare! Elle a cependant
persévéré et a par la suite très
bien réussi. Elle est devenue infirmière et
a eu loccasion de travailler et de voyager à
travers le monde. Elle est par contre demeurée attachée
au quartier et vit aujourdhui une retraite agréable
sur le Plateau.
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Recueil
du témoignage : Aline Grenon & Brownin Chester
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Mis à jour le :
30-jan-18
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© 2015 SHP - Société
d'Histoire du Plateau-Mont-Royal
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