Wilfrid Derome
Né en 1877 à Napierville
décédé le 24 novembre 1931 à Montréal

Quelques moments caractéristiques de sa vie

Le docteur Derome dont la renommée a franchi bien des frontières, a demeuré sur le Plateau Mont-Royal au début des années 1900. Tout d’abord au 14 carré Saint-Louis qui correspond maintenant au 318 puis au 138 rue Cherrier, de nos jours le 512. Les paroissiens de l’église Saint-Louis-de-France l’entendaient chanter aux offices religieux du dimanche.

Dès le début de sa carrière, il s’est intéressé à la médecine judiciaire dont il est vite devenu expert : autopsie, balistique, biologie, graphologie et  photographie judiciaire n’ont bien vite plus de secrets pour lui. Ses expertises sont reconnues partout au Canada et aux États-Unis.

Sa plus grande réalisation est certainement la création en 1914 du premier laboratoire de recherches médico-légales et judiciaires en Amérique du Nord dont il devient le directeur et médecin expert. Il est important de souligner ici que le docteur Derome a reçu à deux reprises le célèbre Edgar Hoover, alors directeur du Federal Bureau of Investigation (FBI), qui lui demande conseil afin de créer aux États-Unis le premier laboratoire technique à Chicago en 1932: 18 ans après celui de Montréal!

Né en 1877 à Napierville, après ses études classiques il se dirige vers la faculté de médecine de l’université Laval (qui deviendra l’université de Montréal en 1920) rue Saint-Denis. Médecin à l’hôpital Notre-Dame en 1902, il constate très tôt que Montréal possède l’un des taux de mortalité infantile les plus élevés du monde industrialisé. L’Est de Montréal est durement touché car les quartiers ouvriers francophones enregistrent des taux de mortalité deux fois plus élevés que ceux des quartiers anglophones. Il se sent impuissant et croit que la médecine de laboratoire, une meilleure hygiène et la pathologie pourraient jouer un rôle accru : il veut contribuer à la médecine d’une autre façon, il se voit dans un laboratoire.

Après mûre réflexion il donne sa démission à l’hôpital et trouve du travail à la faculté de médecine en tant que démonstrateur d’histologie. Ses services sont si appréciés qu’en 1908, on lui confie la direction du nouveau laboratoire de pathologie et d’histologie de l’hôpital et on lui accorde même un congé d’un an pour aller étudier à Paris, à la Sorbonne, afin de se spécialiser en médecine légale et en psychiatrie. Il apprend d’Alphonse Bertillon la technique de mesures anthropométriques qui permet d’établir scientifiquement l’identité des délinquants et reconnaître ainsi les récidivistes. Il remporte brillamment le diplôme de médecin légiste et revient au pays où il reprend son travail à l’hôpital.

Cependant après avoir vu et travaillé dans les laboratoires de Paris, il constate qu’ici les locaux sont très rudimentaires : il s’engage alors dans un projet de réforme du système judiciaire qui aboutit à la création du premier laboratoire en 1914 qui est situé alors au dernier étage de la morgue de Montréal. Le docteur Derome s’entoure d’une équipe d’experts, entre autres : Franchère Pépin, pharmacien-chimiste spécialiste en toxicologie qui deviendra expert en poisons et en explosifs, ainsi qu’un photographe judiciaire afin d’immortaliser les scènes de crime pour permettre aux enquêteurs de réaliser une reconstitution juste des événements à partir de la position des corps et des objets environnants.

 Le laboratoire contribue à améliorer les méthodes scientifiques susceptibles d’aider les enquêteurs de la police; en 1924 il déménage rue Saint-Vincent. On fait appel à ses services un peu partout au Canada et plusieurs villes américaines souhaitent obtenir ses services.  L’expertise du laboratoire et du docteur Derome sera mise à contribution dans plusieurs affaires judiciaires qui ont fait grand bruit  à l’époque. En voici quelques-unes :

  • L’affaire Dubois en 1914 : Blanche Dubois, 19 ans, est sauvagement assassinée dans la boutique de chaussures qu’elle gère avec sa mère. Un ancien employé est arrêté mais faute de preuves l’enquête piétine. On fait appel au Dr Derome expert en homicides, qui va donc examiner avec minutie les vêtements du suspect ainsi que l’arme du crime, un marteau retrouvé sur les lieux. Finalement, c’est sur le manteau de Dion que le médecin légiste va trouver ce qu’il cherchait : du sang humain. Après avoir témoigné lors du procès, ses expertises seront remises en question par l’avocat de la défense et Joseph Dion sera finalement acquitté en octobre 1914.

 

  •  L’affaire de la femme Gagnon (Marie-Anne Houde) en 1920 : Aurore Gagnon, 10 ans, martyrisée longuement et victime de mauvais traitements par sa belle-mère qui lui donnait à boire de la lessive. Le Dr Derome a examiné l'accusée au point de vue mental et il déclare que les actes reprochés à l'accusée ne peuvent être imputables à la folie et qu’elle était saine d’esprit au point d’être responsable de ses actes. Elle sera condamnée le 21 avril 1920 à être pendue mais sa peine sera commuée en emprisonnement à perpétuité. Son mari Télesphore Gagnon le père d’Aurore  sera trouvé coupable d’homicide involontaire passera 5 ans à Saint-Vincent-de-Paul. 
  • L’affaire Delorme en 1922 : le 7 janvier 1922,  le corps de Raoul Delorme  est retrouvé et son frère, l’abbé Adélard Delorme, sera accusé de meurtre. Première analyse balistique en Amérique du Nord par le docteur Derome lors de ces procès : il y en aura quatre à la suite desquels l’abbé Delorme est innocenté. Dès le premier jour cette affaire a semé la controverse et fut largement largement couverte dans les médias. « Les experts et les policiers qui menèrent l'enquête furent vivement critiqués par une partie de la société dans cette affaire alors que d'autres les considérèrent comme de vrais héros qui ont su résister à la pression de l'institution la plus puissante de l'époque… »  

 

  • L’affaire Morel ou le hold-up de la Banque d’Hochelaga : le 1er avril 1924, au viaduc de la rue Ontario, près de la rue Moreau, un groupe mené par Louis Morel (ancien détective de la police de Montréal, limogé en 1924) prend en filature le fourgon de la Banque d'Hochelaga, l’intercepte et s’enfuit avec un butin de 140,000$: il y aura deux morts. Le docteur Derome procède aux autopsies, s’intéresse aux empreintes digitales et à l’analyse du masque en tissu retrouvé dans la voiture des fuyards. Suite au procès quatre individus dont Morel seront pendus et deux autres condamnés à la prison à vie. Une enquête est réclamée car certains policiers étaient mêlés à l'histoire. Elle conduit à l'arrestation de plusieurs policiers corrompus : ce sera l’enquête Coderre.

 

À l’âge de cinquante-quatre ans, un cancer l’emporte le 24 novembre 1931.Dans les heures qui suivent sa mort, la presse écrite lui rend hommage, tant dans les journaux francophones qu’anglophones et les drapeaux de l’Université de Montréal sont en berne.
Le docteur Wilfrid Derome est inhumé au cimetière de la Côte-des-Neiges.

Le docteur Derome reçoit aussi un vibrant hommage de ses collègues américains dans le journal American Journal of Police Science où on insiste sur l’importance de sa contribution scientifique, dont son Précis de médecine légale publié en 1920 ainsi que le premier traité canadien d’expertise balistique publié en 1929.
Depuis 2001, l'édifice de la Sûreté du Québec rue Parthenais à Montréal, qui loge le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, porte le nom d'Édifice Wilfrid-Derome en son honneur.

Source : Wilfrid Derome, expert en homicides par Jacques Côté, éd. Du Boréal,2003

Mise en forme : Marielle Signori (03-2013)

 
Iconographie
Wilfrid Derome dans la galerie des portrait s de l'hopital Notre-Dame
Mis à jour le : 7-feb-15
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