 Camillien
Houde, Commandeur de l'Ordre de l'Empire britannique,
chevalier de la Légion d'honneur, est un personnage
du Plateau-Mont-Royal, car il y a élu domicile pendant
plus de 25 ans. De plus, on trouve sur le Plateau-Mont-Royal,
un vestige d'une " camillienne"
(c 'est ainsi que les montréalais avaient baptisé
leurs vespasiennes).
Maire de Montréal d'une personnalité remarquable
et d'une popularité exceptionnelle, ce personnage a
marqué l'histoire de Montréal. D'ailleurs, on
l'appelait " Monsieur
Montréal".
Monsieur Houde résidait au 4455, rue
Saint-Hubert, juste au sud de l'avenue du Mont-Royal.
Il y établissait son petit bureau au sous-sol, c'est
là qu'il recevait ses plus fidèles collaborateurs
et qu'il établissait ses stratégies de campagnes.
Il y avait fait installer des lampadaires
aux armes de Montréal pour qu'on sache bien où
demeurait le maire de Montréal.
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Note: René
Caron et Ange Pasquini 2009 |
Biographie de ses
premières années |
Camillien Houde naît le 13 août
1889 [1] au 174 de la rue Saint-Martin [2] dans le quartier
ouvrier de Sainte-Anne à Montréal. Il est l'unique
survivant d'une famille de 11 enfants. Ses frères et
surs sont tous morts de la variole.
Son père, Azade Houde travaillait dans la farine, il
était minotier. À 9 ans quand son père
meurt, sa mère, Joséphine Frenette, déménage
près du parc Lafontaine. Elle devient alors couturière
et ouvrière dans une usine de textiles.
Camillien fréquente entre autres, l'école St-Louis
et l'Académie du Plateau.
Sa mère veut que Camillien travaille dans une banque.
Cela paraît bien et les gens sont bien habillés.
Il ne fera pas son cours classique, il ira au Collège
LaSalle à Longueuil, chez les Frères
des Écoles chrétiennes. Il y fera sa plus
importante rencontre, celle du
frère Marie Victorin. Celui-ci lui donnera le goût
de faire du théâtre et l'ouvrira à plusieurs
autres domaines. Si cela n'avait été que de
lui, il voulait faire carrière dans le théâtre
mais sa mère ne le voyait pas ainsi et Camillien continue
ses études commerciales et termine premier de sa promotion.
À 16 ans, il est engagé comme commis à
la Banque d'Hochelaga. Il y devient inspecteur à 23
ans et directeur-gérant à 26 ans. Il se découvre
une passion pour les beaux vêtements et en fera sa marque
de commerce pour la vie. Il va continuer à faire du
théâtre encore quelques années malgré
l'emploi qu'il occupe à la banque.
Lors d'une de ses représentations théâtrales,
une jeune spectatrice tombe sous ses charmes, c'est Bertha-Andréa
(dite Mignonne) Bougie, la fille d'Urgel Bourgie, riche entrepreneur
de pompes funèbres. Camillien et elle se marieront
à l'église Sainte-Cunégonde
et ils eurent deux filles, Madeleine et Marthe. Malheureusement,
sa femme meurt en 1918 de la grippe espagnole.
Il se remarie rapidement, en 1919, avec Georgette Falardeau
à l'église du Sacré-Cur. Il aura
une fille de ce mariage, Claire. Cette deuxième femme
a beaucoup d'ambition pour Camillien. Elle le pousse à
faire d'autres métiers. Camillien laisse son emploi
à la banque et commence à être représentant
pour la biscuiterie Dufresne (là où sa deuxième
femme était secrétaire). Puis travaille comme
agent d'assurance pour La Sauvegarde, par la suite il devient
importateur de charbon. Il réalise rapidement que ces
métiers ne sont pas faits pour lui.
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Recherche: Diane
St-Julien 2009 |
Le jour où il fut élu
député au provincial |
 ...L'année
1923 marque sa naissance politique...
...quand, un bon soir, Camillien Houde, fut hissé sur
le comptoir d'un magasin vacant, devenu pour les besoins de
la cause, le Comité Central Conservateur du Comté
Sainte-Marie, et proclamé candidat officiel du Parti
dans l'élection partielle qui allait avoir lieu.
Pourquoi le parti avait-il choisi Houde?
Tout simplement parce qu'il était le seul à
vouloir risquer sa "fraise" dans une telle aventure.
Pourquoi Houde se portait-il candidat?
Parce que, pour lui à ce moment-là, il s'agissait
de faire quelque chose, n'importe quoi, afin de ne pas crever
de faim au moins durant quelques semaines.
... il est élu une première fois député
du Comté Sainte-Marie au provincial.
"Les montréalais le vénéraient et
le respectaient. Il avait du charisme et du panache. Montréal
était sa gloire et son honneur" comme le mentionne
Jean-Claude Germain dans son DVD.
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Extrait de la biographie
éditée en 1961 par Hertel Laroque, ami et confident
de Camillien Houde |
"le p'tit gars de Sainte-Marie"
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Le candidat historique du parti
conservateur Édouard Masson se retire à son profit
eu égard à l'attachement que son père avait
eu dans le temps avec sa mère Joséphine Houde.
Arthur Sauvé le chef du parti conservateur, qui cherche
à se démarquer d'Ottawa laisse faire. Le soutien
financier de la candidature de Camillien Houde tient à
quelques bonnes relations (Urgel Bourgie entrepreneur des pompes
funèbres, son ex-beau père et Dufresne biscuitier,
son ex-employeur).Alors que le candidat libéral sortant
Joseph Gauthier reçoit l'appui inconditionnel du maire
Médéric Martin, le candidat sortant fait l'erreur
d'envisager sa réélection comme une simple formalité.
En plein hiver québécois, Camillien Houde part
en campagne fait du porte à porte, entre dans tous les
foyers, discourt et persuade les électeurs de voter pour
lui. Un troisième candidat indépendant Alfred
Mathieu vient "l'aider" à ravir des voix au
candidat sortant et c'est ainsi que le 5 février 1923,
c'est l'apothéose.
Camillien Houde arrache la victoire avec plus de 508 voix et
il devient à 33 ans le plus jeune député
au provincial. Député de l'opposition un peu gauche
à ses débuts, il affirme très vite sa personnalité
en contrant brillamment ses interlocuteurs.
Très vite la majorité Taschereau (libérale)
jugera qu'il fallait être très prudent en croisant
le fer avec celui qu'on appellera dorénavant "le
p'tit gars de Sainte-Marie". |
Recherche: René
Caron et Ange Pasquini 2009 |
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Une époque
très difficile |
...La carrière de Camillien Houde
s'est déroulée à une époque particulièrement
mouvementée de notre vie économique et politique.
Elle débute en pleine stagnation en 1923. À
la courte période d'euphorie de 1928 devaient malheureusement
succéder l'enlisement, la désespérance
et le cauchemar des années de crise 1930-1940. Puis
la guerre vint de nouveau drainer toutes les ressources financières
et humaines, apportant à quelques privilégiés
la fortune et à d'autres ce niveau de vie convenable
que la paix leur avait jusque-là obstinément
refusé. Avec ses ajustements et ses tâtonnements,
l'après-guerre ramena le marasme et accentua les besoins
et les problèmes....
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Extrait du livre"
l'Imprévisible Monsieur Houde" édité
en 1964 de Charles Renaud, directeur du cabinet de Camillien
Houde |
"Monsieur Montréal" |
 En
1928, Monsieur Houde décide de se présenter
à la mairie de Montréal
et gagne ses élections.
Il est même réélu six fois grâce
à son humour et ses propos populaires. Il chante même
au milieu de ses discours pendant ses campagnes électorales.
De ses premiers pas de comédien au cercle de La Salle
à Longueuil, Camillien Houde a conservé la maîtrise
de ses gestes, de ses attitudes et des belles répliques
lancées avec panache, à la figure de ses détracteurs.
Monsieur Houde cultive sa personnalité : il se mêle
à toutes les couches de citoyens. Les caricaturistes
et les humoristes de l'époque se moquaient allègrement
de son gros nez et de son gros ventre. Mais comme Cyrano,
cela ne le choquait pas, il en profitait plutôt. Lors
du défilé annuel de la Saint-Jean-Baptiste qui
empruntait la rue Sherbrooke, du Parc Lafontaine jusqu'à
la rue Atwater, il marchait tout le long du parcours, vêtu
de son costume "Prince Albert", chapeau haut-de-forme
en soie, collier de maire en or et sa canne à pommeau
d'or. Il se faisait accompagner de son garde du corps en uniforme
de grand apparat. Il saluait tous les Montréalais et
allait souvent au bord du trottoir serrer la main des gens
qu'il reconnaissait. Il faisait de même à la
parade de la Saint-Patrick. Il ne manquait jamais une occasion
de se faire voir, admirer ou moquer. Sa popularité
était primordiale.
Est-ce cela qui l'a fait surnommer Monsieur Montréal?
Ou bien, est-ce son attachement indéfectible à
la ville de Montréal laquelle il s'est dévoué
pendant 18 ans tout au long de ses 11 mandats de maire dont
un obtenu par acclamation en 1947.
Les montréalais l'adoraient et il leur rendait bien.
Une chansonnette a même été créée
en son honneur: "
Avec Camillien à l'hôtel de ville...".
Camillien Houde a eu de belles relations avec le roi d'Angleterre.
Au printemps 1939, respectueux de l'Empire britannique, il
reçoit en grandes pompes le roi George VI et la reine
en visite au Canada. Il les présente aux Montréalais
d'un balcon d'honneur installé à l'hôtel
Windsor. Boute-en-train comme il est, il fait rire aux éclats,
en public, le roi d'Angleterre qui arborait toujours un air
sérieux, glacial. Il les invite ensuite à visiter
sa ville qu'il aime tant.
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Note: René
Caron et Ange Pasquini 2009 |
Un promoteur bien
méritant |
Il a été maire de Montréal
durant les années difficiles de la crise économique.
Il a beaucoup cherché à aider ceux qui en souffraient,
avec le secours direct et de nombreux projets d'embauche pour
améliorer Montréal. Il a entre autres eu des
programmes de développement de l'Île Sainte-Hélène
: restaurant, piscine, etc et de la Montagne.
Utilisant les deniers publics pour donner du travail à
ses administrés dans les années de crise, Camillien
Houde lança plusieurs marchés publics pour construire
notamment :
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- les vespasiennes rebaptisées "camilliennes"
par les montréalais,
- le Chalet du Mont-Royal en 1932 qu'il utilisera souvent
pour recevoir ses invités d'honneur,
- le marché Saint-Jacques en 1931,
- les marchés Atwater et Jean-Talon en 1933,
Plusieurs casernes de pompiers encore existantes :
- la caserne N° : 10, 1445 Saint-Mathieu, construite en
1931.
- la caserne N° : 23, 523 Place Saint-Henri, construite
en 1930-1931.
- la caserne N° : 31, 7041 rue Saint-Dominique, construite
en 1931-1932.
- la caserne N° : 35, 10827 rue Lajeunesse, construite
en 1929.
- la caserne N° : 46, 4760 Cumberland, construite en 1930-1931.
- la caserne N° : 47, 2111 Saint-Zotique, construite en
1931-1932.
- la caserne N° : 48, 3616 Hochelaga, construite en 1931.
- le quartier général du service des incendies,
4040 Avenue du Parc, construit en 1933.
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Note de
:René Caron et Jacques Ad. Taillefer, pompier à
la retraite |
Arrestation de Camillien
Houde, élu démocratiquement maire de Montréal, |
Mais au moment de la guerre, il a des déboires
avec Mackenzie King. Au mois d'août 1940 il a eu beaucoup
de notoriété : il est arrêté et
emprisonné. Il s'opposait à la conscription
qui imposait sans consentement aux jeunes gens de prendre
les armes et de participer à la guerre. Il exprimait
publiquement son désaccord. Vu sa grande popularité,
le gouvernement craignait son influence et le fit mettre aux
arrêts. Il se laissera amener en riant et en sifflotant
l'air de " Alouette ". Il sera incarcéré
pendant deux ans dans un camp à Petawawa en Ontario
et deux autres années à Fredericton, dans les
Maritimes. Il sera finalement libéré le 16 août
1944.
A son retour il est ovationné par les Montréalais
qui l'attendaient avec impatience.
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Note:
René Caron et Ange Pasquini 2009 |
Au camp d'internement de Petawawa (matricule
694)
|
 C'était
en 1940, que se sont croisés les chemins de deux grands
personnages associés au Plateau-Mont-Royal : Guido
Nincheri (1885-1973), décorateur de l'église
Saint-Michel-Archange et d'innombrables autres églises
au Québec et l'irrépressible Camillien Houde
(1889-1958), quatre fois maire de Montréal, mis sous
arrestation pendant quatre ans lors de la Seconde guerre mondiale
en raison de son indomptable opposition à la conscription.
Comme le raconte Paul Labonne de l'Atelier d'histoire Hochelaga-Maisonneuve,
" Nincheri a été interné au camp
de Petawawa, par le gouvernement canadien à l'instar
de plusieurs artistes, intellectuels et hommes d'affaires
italiens influents. Pendant ses trois mois d'internement,
il en a profité pour faire les portraits de plusieurs
de ses compagnons d'infortune dont Camillien Houde, le maire
de Montréal. " Le " motto " dactylographié
associé au portrait se lit : " Je lutte, je vaincs,
pour DIEU et nos droits, SANS PEUR. " (signé)
C. Houde.
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Recherche: Kevin
Cohalan 2008 |
Le 19 aout 1944 la foule ovationne
Camillien Houde |
À la gare centrale, ce fut
terrible. Les journalistes qui précédaient et
suivaient M. Houde et sa famille furent forcés de suivre
le mouvement houleux de la foule jusquà la fin,
emportés la moitié du temps par cette vague qui
déferlait vers M. Houde. Tous voulaient se faire reconnaître
et lui serrer la main. Dès que le convoi arrêta,
la plate-forme souterraine fut débordée. La police
fut impuissante à comprimer les curieux dans la gare.
Lentourage du libéré parvint à se
frayer un chemin jusquau haut de lescalier conduisant
au grand hall de la gare. Là, ce fut comme une explosion.
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Extrait du bulletin
Hiver 2008 |
La résidence de Son honneur le maire
de Montréal
|
 Sa
demeure était située au 4455, rue Saint Hubert
et suivant la tradition elle était ornée de
deux lampadaires installés et éclairés
aux frais de la Ville. Sur le dessin joint de la Ville de
Montréal exécuté en 1955, Camillien Houde
n'était plus maire mais bénéficiait encore
de cet honneur.
|
Recherche:
Ange Pasquini 2009 |
Les "camilliennes"
|
 Pendant
un mandat de Camillien Houde une de ses réalisations
les plus marquantes fut l'installation de vespasiennes. À
l'exemple de ce qui avait existé à Rome et qu'on
retrouvait à Paris, il fit construire des urinoirs
et des toilettes à la Place d'Armes, aux squares Philip,
Victoria et Viger. Lorsqu'on réaménagea le square
Viger pour la construction du métro, on devait démolir
ce qui restait de la camillienne qui s'y trouvait. Comme le
pavillon d'entrée était de belle architecture,
on décida d'installer ce dernier au square Saint-Louis
du Plateau-Mont-Royal. Dans ce kiosque, on y vend maintenant
des fleurs (voir photo ci-jointe).
Par dérision, on s'amusa à appeler ces toilettes
publiques des " camilliennes ", se référant
aux vespasiennes de la Rome ancienne ainsi nommées
à cause de l'empereur Vespasien (9-79) .
Celui-ci avait décidé de lever un impôt
sur la collecte d'urine utilisée par les teinturiers.
Moqué pour cet impôt, il répondit : «
L'argent n'a pas d'odeur », phrase devenue aujourd'hui
proverbiale.
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Recherche: Ange
Pasquini 2009 |
Un discours de Camillien Houde
|
Dans le cadre de l'annonce d'un nouveau
marché fruitier le 12 février 1948, le
maire de Montréal souligne avec humour que le succès,
de la commercialisation des pommes, passe par une amélioration
de leur présentation.
Média
: Archives Radio Canada Durée : 6 min 04 s
|
Recherche: Diane
St-Julien 2009 |
Camillien Houde quitta ce monde
le 11 septembre 1958 |
 Camillien
Houde quitta ce monde le 11 septembre 1958. Il fut emporté
dans son sommeil par une thrombose coronarienne. Monsieur
Montréal reçut les ultimes honneurs sous le
lourd lustre de bronze dans le hall de l'hôtel de ville.
La dépouille mortelle précédée
de trente-trois landaus de fleurs, fut conduite au cimetière
Notre-Dame-des-Neiges dans de ce cimetière où
il aimait se promener dans les allées.
 Camillien
avait choisi de longue date l'emplacement et le style de sa
sépulture, réplique de celle de Napoléon
aux Invalides. Il avait demandé pour son monument du
porphyre provenant de la carrière même où
la pierre y avait été extraite pour la taille
du tombeau de l'empereur. Il avait demandé aussi que
son curriculum vitae figure bien en vue sur sa dernière
demeure.
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Note: René
Caron et Ange Pasquini 200 |
Photos Diane St-Julien
- Août 2009 |
Le clin d'oeil de son administration |
L'administration
municipale a donné le nom de Côte Camillien-Houde
à la voie qui traverse la partie Est du Mont-Royal. Tout
le temps durant lequel il fut maire de Montréal, Houde
avait proclamé que jamais il ne permettrait à
des voitures de longer le cimetière et de traverser le
parc du Mont-Royal. "
Il faudrait me passer sur le corps! Pour y monter, que
les gens prennent les tramways à la Côte des Neiges
ou à l'avenue du Parc (au Plateau Mont-Royal)" disait-il,
heureusement ou malheureusement; mais au sens figuré
c'est bien ce qui lui est infligé aujourd'hui...
Aujourd'hui, avec Google (moteur de recherche sur Internet)
le nom de Camillien Houde fait apparaître une série
de sites ou blogues relatant les diverses courses de côte
(cyclistes ou autres) organisées chaque année
sur la voie Camillien Houde. |
Note: René
Caron et Ange Pasquini 2009 |
Camilien Houde est vraiment un personnage
à ne pas oublier. Il avait tout d'une grande personnalité
et plus un homme a de qualités, plus un homme a de défauts.
Lui, avait une surdose des deux. |
Note: René
Caron et Ange Pasquini 2009 |
Sources |
1 - Généalogies
de Québécois célèbres |
2 - Annuaires Lovell
de Montréal (1889-90) Lovells Montreal Directory
for 1889-90 « Bibliothèque et Archives nationales
du Québec |