Saint-Enfant-Jésus-de-Montréal

Retour aux origines

Cette paroisse est la plus ancienne de la banlieue de Montréal 1. La ville elle-même n'en compte que trois dont l'organisation soit antérieure : Notre-Dame, Saint-Jacques, et Saint-Patrick.
Pendant que ces trois premières églises centrales suffisaient encore aux besoins de la population catholique de la cité, l'urgence se fit bientôt sentir d'établir une mission permanente, pour mettre les exercices de culte à la portée des groupes assez nombreux de fidèles, qui avaient fixé leur demeure en-dehors des limites de la ville, du côté nord. Là se trouvaient d'immenses carrières de pierre dont l'exploitation devenait très profitable à mesure que se développaient les progrès de la construction dans la cité et fournissait la subsistance à un nombre considérable d'ouvriers, de charretiers et de manœuvres qui, naturellement, s'étaient établis sur les lieux mêmes où s'exerçait leur industrie.
Les deux centres principaux où se poursuivaient ces opérations, avaient pris le nom de Coteau Saint-Louis et de Pierreville.
Pour ce dernier endroit, le nom de baptême de M. le Dr Pierre Beaubien 2, possesseur de la très grande partie des terrains sur lesquels grandissait le florissant hameau, avait compté pour beaucoup dans sa désignation. Pierreville porta aussi le nom populaire de Mile End, à cause d'un rond de course, jadis fameux, qui se trouvait là, juste à un mille des limites de Montréal. Cette appellation resta longtemps attachée à la municipalité civile, puis à la paroisse religieuse, mais l'usage commence à peine à se perdre.
Le Coteau Saint-Louis est devenu le quartier Saint-Denis de Montréal, pour les fins municipales, et la paroisse Saint-Denis, depuis le 1er janvier 1899, pour les fins religieuses. Quant à Pierreville ou Mile End, cette localité s'est successivement appelée Saint-Louis-du-Mile End et puis, en définitive, ville Saint-Louis, au civil.
Sa dénomination canonique fut d'abord " Saint-Enfant-Jésus-du-Coteau-Saint-Louis " puis en 1899, " Saint-Enfant-Jésus-de-Montréal ".

Transcription et annotations assurées par Kevin Cohalan, octobre 2007

La première église du Saint-Enfant-Jésus du Coteau Saint-Louis
Afin de pourvoir aux besoins spirituels des habitants de ces lieux, dès 1848, Mgr Bourget, alors évêque de Montréal, décida qu'il y serait érigée une église, succursale de Notre-Dame de Montréal. Le 16 avril de cette année-là, Mgr Bourget bénissait lui-même l'emplacement où devait s'élever le nouveau temple et il y plantait une croix. Le 3 novembre 1849 M. Pierre Beaubien fait don à l'évêque de Montréal du terrain où devait être érigée l'église et dans le cours de la même année, une chapelle temporaire y fut construite.
Paroisse Saint-Enfant-jésus-de-MontréalLe 14 juin 1857 a lieu la bénédiction de la pierre angulaire de l'église permanente sous la présidence de Mgr Bourget. Et c'est encore l'évêque de Montréal qui célèbre lui-même la première messe dans la nouvelle église qu'il vient de bénir pour la livrer au culte, le 25 décembre 1858 3. …
La première messe, sur le territoire de la future paroisse du Saint-Enfant-Jésus, avait été dite dans une maison de la rue des Carrières : ce fut l'origine du nom populaire et longtemps officiel du Coteau Saint-Louis.
Plus tard, la chapelle provisoire et puis l'église s'étant élevées au hameau voisin de Pierreville, la direction du culte y fut confiée, à titre de succursale de la paroisse Notre-Dame de Montréal, aux Clercs de Saint-Viateur, dont la communauté venait d'établir en cet endroit une mission 4.
Le principal desservant qu'a fourni cet ordre, à l'époque dont nous parlons, fut le R. P. Lahaie qui, aux prix d'incroyables travaux et de sacrifices sans nombre, réussit à construire avec le concours de Mgr Bourget, la première église du Saint-Enfant-Jésus du Coteau Saint-Louis.
Transcription et annotations assurées par Kevin Cohalan, octobre 2007

Le père Taraise-Thomas Lahaie fondateur de l'église
Le secret d'un cerncueilLe père Taraise-Thomas Lahaie 5, fondateur de l'église du Saint-Enfant-Jésus était né à Dijon, en 1815. Religieux en 1840, ordonné prêtre à Saint-Louis, Missouri, il vint à Joliette en 1847. Peu de temps après, chargé de la desserte du Coteau Saint- Louis, il assura la construction de l'église permanente en décembre 1858, et mourut subitement le dimanche 3 mars 1861, terrassé par une maladie de coeur, en descendant de chaire, à la suite du sermon. Ce pasteur dévoué a laissé d'ineffaçables souvenirs dans la paroisse. Ses restes mortels reposent dans la partie nouvelle de l'église, restaurée depuis l'année dernière.
Après la disparition tragique du R. P. Lahaie, les affaires de la desserte se retrouvent en mauvaise posture et Mgr Bourget pria les messieurs du Séminaire de Notre-Dame de se charger eux-mêmes de son administration. Ils se soumettent de bonne grâce au voeu de leur évêque et le 16 février 1863 … se chargent de la succursale. Comme les desservants précédents, ils fixèrent leur résidence à l'institution des sourds-muets, voisine de l'église. … En 1867, la situation se trouvant rétablie, le Séminaire remit aux mains de Mgr Bourget la congrégation de Saint-Enfant-Jésus.
Transcription et annotations assurées par Kevin Cohalan, octobre 2007

Définition du périmètre de la paroisse
L'évêque de Montréal crut le moment venu d'ériger alors canoniquement en paroisse cette succursale existant déjà depuis dix-huit ans et il en confia de nouveau le soin aux Clercs de Saint-Viateur.
Le territoire assigné à la nouvelle paroisse était immense : il s'étendait depuis la Côte-des-Neiges jusqu'au chemin Papineau, poussant même une pointe au nord de Maisonneuve 6, par la côte Visitation7, et il enveloppait, au sud, tout le village (aujourd'hui quartier) Saint-Jean-Baptiste. Pour mieux donner une idée de son importance, rappelons ici que pas moins de cinq paroisses depuis cette époque ont été successivement formées à même celle du Saint-Enfant-Jésus du Coteau Saint-Louis à savoir, par ordre de date : Saint-Jean-Baptiste, Saint-Grégoire-le-Thaumaturge, Saint-Edouard, Saint-Denis et Saint-Jean-de-la-Croix 8.
Ainsi l'église du Saint-Enfant-Jésus-de-Montréal est considérée à bon droit comme l'église mère de toutes les nombreuses paroisses qui s'élèvent aujourd'hui au nord de Montréal.
Après tous ces démembrements, la paroisse du Saint-Enfant-Jésus reste encore avec un territoire et une population considérables. Ses limites s'étendent, vers l'est, jusqu'à la ville de Montréal, où elles empiètent sur une vingtaine de maisons, entre les rues Drolet et Sanguinet ; elles longent, du sud au nord, l'avenue Mont-Royal et la ligne du "Canadien Pacifique", en englobant toute cette partie de la ville de Saint-Louis. Du côté de l'ouest, elles enveloppent la petite mais florissante ville d'Outremont. …
En dépit de tous ces changements d'administration, en dépit des morcellements nombreux et importants qu'elle a subis, la paroisse du Saint-Enfant-Jésus-de-Montréal n'a pas cessé de prospérer. ... Elle n'a pas hésité à entreprendre, en 1899,… la restauration et l'agrandissement de son église, travaux dont la nécessité s'imposait.
Transcription et annotations assurées par Kevin Cohalan, octobre 2007

L'église aujourd'hui
l'église Siant-Enfant-Jésus en 2010La vieille et solide construction de pierre de 1858 a vu doubler sa masse imposante, par une addition d'égale importance, sur un nouveau terrain acheté pour agrandir l'emplacement primitif qu'avait donné la famille Beaubien. L'ancienne église a dû aussi faire toilette neuve, afin de marier sa construction antique avec les formes plus élégantes du nouvel édifice. La paroisse Saint-Enfant-Jésus a maintenant un temple capable de suffire aux besoins de sa population toujours croissante. La cloche a quitté son beffroi solitaire pour prendre sa place naturelle dans une tour superbe, à même l'église. Dans quelques mois, les travaux de restauration seront complétés par l'érection d'une façade nouvelle à l'église ancienne, laquelle forme toujours l'avant-corps de la bâtisse9. Les plans promettent un beau portique, en tout point digne du jardin gracieux qui étale sa fraîcheur sur la place même de l'église, dans le carré formé par les rues Saint-Dominique, Saint-Louis 10, Saint-Laurent et le Boulevard 11.
La population de la campagne, dans les limites de la paroisse, et celle du hameau d'Outremont-jonction sont desservies par des Clercs de Saint-Viateurà la chapelle du juvénat, qui continuent ainsi leurs traditions de premiers ouvriers apostoliques de cette paroisse. …
Transcription et annotations assurées par Kevin Cohalan, octobre 2007

Notes et source
1
Si les auteurs parlent de « la banlieue de Montréal », c’est parce qu’en 1900, quand ce texte fut publié, la ville de Saint-Louis (l’ancien village de Saint-Louis du Mile-End) était toujours une municipalité indépendante. Son annexion a Montréal n’a eu lieu que dix ans plus tard, le 1er janvier 1910.
2
Le docteur Pierre Beaubien (1796-1881), ayant fait des études à Paris, fut le premier Canadien français à détenir un doctorat en médecine. Il était le grand-père de Joseph Beaubien (1865-1949), maire d'Outremont pendant 40 ans. Voir l'article au sujet de ce dernier de Ludger Beauregard, ancien président de la Société d'histoire d'Outremont, sur le site Web de la Fédération des sociétés d'histoire du Québec.
3
Voilà l’événement dont le 150e anniversaire se célèbre en 2008.
4
Laquelle consistait surtout en l’implantation de l’Institution catholique des Sourds-Muets de la province de Québec à l’angle de la rue Saint-Dominique et l’avenue Laurier.
5
Ou François-Thérèse Lahaye, selon la monographie sur lui, œuvre de Robert Hémond, c.s.v., publiée en 1993 par les Clercs de Saint-Viateur, laquelle donne comme date de naissance le 2 août 1816.
6
La municipalité de banlieue située immédiatement à l'est du territoire de la Ville de Montréal, créée en 1883 et annexée à Montréal en 1918. Il y avait également une paroisse du même nom
7
Aujourd’hui la rue des Carrières et le boulevard Rosemont.
8
Saint-Grégoire-le-Thaumaturge se nomme aujourd’hui Immaculée-Conception. On peut ajouter à la liste Saint-Viateur d’Outremont, Saint-Louis-de-Gonzague, Saint-Pierre Claver, Saint-Stanislas-de-Kostka et la paroisse anglophone de Saint-Michel-Archange, ainsi que Saint-Georges (supprimée en 2001 et réabsorbée par Saint-Enfant-Jésus)
9
Ces derniers travaux de réfection, entrepris en 1901 et 1902, ultérieurement à la publication de ce texte de 1900, ont produit la remarquable façade, oeuvre de l’architecte Joseph Venne, que l’on voit aujourd’hui à l’angle de Saint-Joseph et Saint-Dominique, « … la plus richement ornée de toutes les façades d'église au Québec. Pas la moindre surface n'est laissée sans décor. Cet important frontispice profite aussi du recul que lui procure un petit square » (Claude Bergeron, Architectures du XXe siècle au Québec, Montréal, 1989, p. 79). Le square porte le nom du père Lahaie.
10
Aujourd’hui Laurier.
11
Le boulevard Saint-Joseph.
Source Ces quelques extraits du livre "Le Diocèse de Montréal à la fin du dix-neuvième siècle" (Montréal, Eusèbe Senécal & Cie, 1900, p. 210-213) exposent les origines de l’église mère du Plateau Mont-Royal, qui célèbre en 2008 son 150e anniversaire.

Iconographie
CPA de l'église Saint-Enfant Jésus du Mile-End
Le départ des anges vers le centre de restautation
Mis à jour le : 27-oct-21
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